Par la mère, Un hommage maternel touchant
- Carlem
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Avec Par la mère, Claire Varin pose un geste intime et nécessaire : celui d’écrire enfin à partir de sa mère. Ce livre vient clore un long parcours de mémoire, jalonné de récits marquants où l’auteure a exploré les figures fondatrices de sa vie, ses pertes, ses filiations et ses engagements. Cette fois, c’est Jacqueline Rathé (1920-2013), sa mère aimée, qui devient le cœur battant du récit.
À rebours des ouvrages qui s’attardent aux relations mères-filles conflictuelles, Claire Varin choisit ici la tendresse, la reconnaissance et la transmission. Par la mère agit comme un contrepoids lumineux : une traversée affective, culturelle et historique portée par l’admiration et l’amour.
Femme engagée et d’une grande intelligence, Jacqueline Rathé fut tour à tour militante, présidente de la Jeunesse étudiante catholique aux côtés de Gérard Pelletier, journaliste, puis mère de sept enfants qu’elle éleva avec une rigueur et une bienveillance dignes des plus grandes pédagogues. Amie et collègue de figures marquantes comme la comédienne Kim Yaroshevskaya, le sociologue Guy Rocher ou encore Jeanne Sauvé, elle incarne une génération de femmes actives et discrètes, trop souvent reléguées à l’arrière-plan de l’histoire.
Dans ce récit hybride, l’auteure tisse sa propre voix à celle de sa mère, intégrant des extraits de textes publiés dans la presse et partant sur les traces d’ancêtres maternels aux destins remarquables. Des séjours dans l’Ouest canadien, au Vermont et au Connecticut nourrissent cette quête, notamment autour de figures comme Aimé Bénard, défenseur des droits des francophones manitobains, ou Seth Warner, colonel des Green Mountain Boys et acteur clé de l’Indépendance américaine, admiré par George Washington.
Tout au long du livre, Claire Varin s’adresse directement à sa mère disparue, lui racontant ses découvertes comme on le ferait à une confidente aimée, « pour la désennuyer sur son nuage ». Ce dialogue posthume donne au récit une profondeur émotive rare, où l’histoire collective se mêle à l’intime.
Écrivant depuis toujours en marge des modes littéraires, Claire Varin a publié une dizaine d’ouvrages chez plusieurs éditeurs reconnus, en plus de diriger des collectifs mettant en valeur les auteurs québécois, notamment au profit de la Fondation lavalloise des lettres, vouée à la promotion de la littérature.Par la mère s’inscrit avec justesse dans cette œuvre singulière, fidèle à une écriture libre, humaine et profondément habitée.
Nous vous proposons le prologue de Par la mère, fruit d’une affection indéfectible envers celle qui l’a mise au monde.
Tu aurais eu bientôt cent ans. Dans la solitude des bois, je suis venue me poser pour être seule avec toi. Tu m’as donné le jour, je veux te sortir de la nuit. Te langer avec des mots. Mère, mon enfant. Te bâtir une demeure. La maison comptera quelques pièces d’importance pour des invités d’honneur que je convierai au moment opportun, dont un « héros » de l’Indépendance américaine, ton ancêtre qui a fait ma conquête depuis son 18e siècle. Je vais vers toi, femme de lumière dans un Québec de ladite Grande Noirceur, en gestation de la Révolution tranquille.
Même si tu affirmais que je n’avais pas choisi un métier facile, tu m’encourageais et un jour, m’enjoins : « J’espère qu’en écrivant, tu dis tout ce que tu veux, que tu n’attends pas qu’on meure, ton père et moi. Ne te retiens pas pour nous. » Non, mais ce livre et celui que m’a jadis inspiré Roger ne pouvaient advenir qu’après votre disparition. Et je songe à ce rêve de Marguerite Duras dans lequel sa mère décédée lui dit : J’ai fait semblant d’être morte pour que tu puisses écrire tout ça.
Tu es morte de ta mort ni belle ni laide, six ans après t’être si souvent demandé « Il est où, Roger? » Où le trouver mon père, parti avant toi, qui avait partagé une soixantaine d’années de ta vie? Je n’avais que des clichés pour réagir à cette question tout compte fait spirituelle.
Où es-tu, toi, Jacqueline?
Par la mère de Claire Varin publié chez Les Éditions de la GrenouillèreCollection : VÉCU
























